vendredi 23 mars 2018

Liberté d’expression, d’association et de réunion en Indonésie

L'année dernière encore, des personnes qui participaient à des activités politiques pacifiques ont été poursuivies en justice en Indonésie, en particulier dans des régions marquées par des mouvements indépendantistes comme la Papouasie. Bien qu’il ait purgé les deux tiers de sa peine d’emprisonnement et qu’il remplisse les critères d’octroi d’une libération conditionnelle, le prisonnier d’opinion Oktovianus Warnares était toujours en détention, car il avait refusé de signer un document dans lequel il déclarait prêter allégeance à l’État indonésien. Cet homme avait été déclaré coupable de « rébellion » (makar) en 2013 après avoir participé à des activités pacifiques de commémoration du 50e anniversaire de la cession de la Papouasie au gouvernement indonésien par l’Autorité exécutive temporaire de l’ONU. En août, Novel Baswedan, un enquêteur de la Commission pour l’éradication de la corruption, a été dénoncé à la police par le directeur des enquêtes de cette même commission, pour des accusations relevant de l’article 27(3) de la Loi relative aux informations et aux échanges électroniques, qui porte sur la diffamation en ligne. Les accusations de diffamation étaient liées à un courriel dans lequel cet homme, en qualité de représentant syndical du personnel, critiquait la direction de la Commission. Novel Baswedan a été victime d’une attaque à l’acide à Djakarta le 11 avril ; ses deux cornées ont été gravement atteintes. À l’époque, il dirigeait une enquête sur un détournement de fonds alloués à un projet de cartes d’identité électroniques, dans lequel des hauts fonctionnaires étaient impliqués. Le 10 juillet, le président Joko Widodo a approuvé la Loi réglementaire gouvernementale (Perppu) n° 2/2017 portant modification de la Loi de 2013 sur les organisations de masse, pour en retirer les garanties juridiques accompagnant la procédure d’interdiction des ONG et d’autres organisations. Le texte révisé, adopté par le Parlement en octobre, imposait des restrictions aux droits à la liberté d’association, d’expression, de religion et de conviction encore plus drastiques que celles imposées par la Loi relative aux organisations de masse en vigueur jusqu’alors. Il entravait déjà le travail des défenseurs des droits humains et se faisait l’écho de comportements discriminatoires envers certains groupes2. Les forces de sécurité et des groupes d’autodéfense ont interrompu des débats privés et des événements publics concernant les graves violations des droits humains commises en 1965. Le 1er août, des membres de la police locale et des militaires de Djakarta-Est ont interrompu un atelier organisé à Djakarta pour partager les conclusions du Tribunal international des peuples 1965, une initiative de la société civile visant à sensibiliser l’opinion internationale aux atteintes aux droits fondamentaux commises à grande échelle en 1965. Le 16 septembre, la police a interdit la tenue d’un séminaire privé dans les bureaux de l’Institut d’aide juridictionnelle d’Indonésie et de Djakarta, au cours duquel était prévue une intervention de victimes des violations de 1965. Dans la nuit du 17 septembre, environ un millier de personnes affirmant être « anticommunistes » ont encerclé les bureaux, prenant ainsi au piège des dizaines d’artistes et de militants qui participaient à un événement à propos de la récente répression des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Tôt le lendemain matin, la foule a lancé des pierres sur les bureaux et saccagé la clôture du bâtiment. Des centaines de policiers ont eu recours à du gaz lacrymogène pour la disperser.