vendredi 20 février 2015

L'argent de Swissleaks

Il y a de la thune dans le monde, c'est clair. Et ce n'est pas un banquier d'HSBC qui me contridra. Les révélations sur les pratiques d’HSBC, qui aurait détourné pas moins de 180 milliards d’euros du fisc ont de nouveau démontré à quel point une partie des élites échappe aux impôts malgré la forte baisse des taux marginaux depuis plusieurs décennies. Mais dans ce débat, les termes sont souvent mal choisis. Il est tout de même frappant que même Hervé Falciani, à l’origine de ces révélations, persiste à employer le terme « paradis fiscal ». Pourtant, comme Eric Hazan l’a si bien démontré dans son livre « LQR », le choix des mots n’est pas neutre dans le débat public. Et ici particulièrement. Quand on parle de « paradis fiscal », on sous-entend quelque part que les autres endroits pourraient être des enfers. Ce faisant, le choix de ce mot déforme le débat, en incriminant les Etats qui ne seraient pas des paradis et en présentant les voyoux fiscaux sous le jour flatteur de « paradis ». Voilà pourquoi, depuis des années, je me bats pour les appeler des « parasites fiscaux » et non des « paradis fiscaux ». Il en va de même pour le terme d’évasion fiscale, qui pose les mêmes problèmes, de manière à peine moins subtile. Le terme « évasion » est souvent utilisé pour les prisonniers qui s’échappent d’une prison. Bien sûr, cela pourrait donner une connotation négative pour ceux qui s’en rendent coupables. Mais les choses sont plus compliquées que cela car si on s’en tient à ce raisonnement, cela implique qu’ils seraient dans une prison, manière de dire que les personnes qui fraudent leur fisc le feraient pour échapper à ce qui serait alors une « prison fiscale ». Voilà pourquoi, ici aussi, il convient de bannir ce terme de notre vocabulaire. On peut lui préférer le terme de « désertion » et donc de « déserteur ». Bien sûr, il convient de sanctionner les déserteurs et ceux qui ont organisé ce qui est, in fine, un vol des impôts, un vol de la communauté nationale. Et cela est d’autant plus choquant que cela vient de personnes qui gagnent bien leur vie. Il faut remercier le travail des journalistes, malgré la pression des actionnaires, comme Matthieu Pigasse et Pierre Bergé qui a parlé de « délation » et de « noms jetés en pâture », s’attirant une réaction des journalistes du Monde, le président de la Société des rédacteurs ayant rappelé que « Pierre Bergé sait très bien ce qu’est l’indépendance d’une rédaction, et il a signé l’accord qui stipule que le contenu éditorial du Monde ne dépend pas des actionnaires ». Mais ne penser qu’aux sanctions, c’est traiter les conséquences en oubliant les causes. Il est bien évident que la libre-circulation des capitaux, sanctifiée par les traités européens, facilite ce genre de fraudes. La globalisation de la finance aussi : il serait bien plus compliqué de le faire avec des banques nationales. Elle est aussi la conséquence de la complexité de nos lois, qui ouvre la voie à ce genre d’abus. Ce sont bien des abus car si tout le monde adoptait leur fiscalité, alors leur base fiscale s’effondrerait. Leur réussite ne tient qu’à la non réplicabilité de leur modèle par les grands pays, qui y perdraient trop, ce qui leur permet d’attirer une base fiscale sans commune mesure avec leur taille. Bien sûr, il faut sanctionner ceux qui fraudent le fisc et les aide. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut couper l’alimentation aux parasites fiscaux en réorganisant nos sociétés pour restaurer les droits et les devoirs des citoyens, bafoués par les pratiques d’un trop grand nombre d’individus et d’entreprises.