mercredi 3 juin 2015

D'un génocide à l'autre?

L'histoire se répète malheureusement, et souvent pour le pire, comme en témoignent les génocides dus à la religion. Il y a un siècle, un génocide frappait les Arméniens. Il a été suivi par l’épouvantable Shoah. Aujourd’hui, les victimes sont catholiques, coptes, orthodoxes ou protestantes. Combien de bacheliers ont planché sur cette phrase prémonitoire attribuée à André Malraux : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » En fait, l’auteur de la Condition humaine n’a jamais fait une telle prédiction. Dans une interview accordée au Point en novembre 1975, recueillie par Pierre Desgraupes, il a lui-même corrigé cette légende : « On m’a fait dire : “Le XXIe siècle sera religieux.” Je n’ai jamais dit cela bien entendu, car je n’en sais rien. Ce que je dis est plus incertain. Je n’exclus pas la possibilité d’un événement spirituel à l’échelle planétaire. » Cet événement se produit chaque jour devant nous sans que nous en mesurions la portée, l’importance et toutes les conséquences. Il y a un siècle, le monde contemporain connaissait son premier génocide, avec le massacre de près de 1,5 million d’Arméniens. Ensuite, et ce ne peut pas être considéré par un être humain digne de ce nom comme « un point de détail », il y a eu l’épouvantable Shoah, avec l’extermination programmée de 6 millions de juifs. Actuellement, nous assistons bel et bien à un génocide des chrétiens. Et notamment des chrétiens d’Orient, victimes des exactions de Dae’ch. Il y a une semaine, lors de sa messe matinale où il commentait la lecture du récit de la lapidation de saint Étienne, le pape François a eu cette parole forte : « Aujourd’hui, l’Église est une Église de martyrs », avant d’ajouter : « Ces jours-ci, combien d’Étienne y a-t-il dans le monde ! » Sans doute plus de 150 millions, a répondu un collectif de spécialistes réunis par Mgr di Falco dans le Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde (XO Éditions), publié en octobre 2014. La veille de cette homélie, le souverain pontife avait écrit au patriarche de l’Église orthodoxe éthiopienne, Abuna Matthias, après l’assassinat de 28 Éthiopiens par l’État islamique en Libye : « Cela ne fait aucune différence que les victimes soient catholiques, coptes, orthodoxes ou protestantes. […] Le sang de nos frères et de nos soeurs chrétiens est un témoignage qui crie pour se faire entendre de tous ceux qui savent encore distinguer le bien du mal. Ce cri doit être écouté surtout par ceux qui ont entre leurs mains le destin des peuples. » Mais seul Manuel Valls semble avoir reçu “cinq sur cinq” la supplique du pape. Dès le 24 avril, il a tenu à dénoncer le sort des chrétiens d’Orient, qui sont « en train d’être éradiqués », avant d’appeler à « mettre un terme à l’entreprise d’extermination conduite par Dae’ch ». Mais ces crimes, qui ont frappé de manière atroce 21 coptes égyptiens en Libye, un jeune Pakistanais brûlé vif par ses compagnons, tous ces migrants jetés par-dessus bord en haute mer par d’autres parce qu’ils étaient chrétiens, ou ces Éthiopiens assassinés, il y a quelques jours, en raison de leur foi, pourraient bien toucher maintenant la France. C’est ce que notre pays a réalisé avec stupeur, la semaine dernière, après l’arrestation d’un présumé terroriste qui avait programmé un attentat dans une église de Villejuif. Cet islamiste progressivement radicalisé et en relation directe avec un commanditaire situé parmi les troupes de l’État islamique avait reçu la consigne de frapper au moment des offices religieux de manière à faire le maximum de victimes. Les autorités religieuses ont fait preuve d’un très grand sang-froid. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est également montré à la hauteur de sa fonction. Ensemble, l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, et celui qui est aussi ministre des cultes ont convenu qu’il y avait deux leçons à tirer de cet attentat déjoué. La première, c’est qu’être chrétien en France, c’est accepter de ne plus vivre en sécurité, car il est impossible de surveiller toutes les églises. La seconde, c’est qu’au-delà de ce qui était programmé à Villejuif, c’est toute une idée de la France qui est désormais menacée. Une idée bâtie sur la liberté et le respect des croyances. De toutes les croyances. Une idée que ne partagent pas un certain nombre de Français musulmans, qui ont épaulé ce terroriste, l’ont armé et se livrent, dans les banlieues, à un prosélytisme antichrétien ou antijuif.