vendredi 26 juin 2015

Juppé et les attentes politiques

D'après un sondage Odoxa pour le Parisien publié samedi, Alain Juppé serait en tête des intentions de votes dans le cadre des primaires UMP. Comment expliquer cette prévision au sein d'un parti qui restait jusqu'à présent majoritairement sarkozyste ? Ce sondage est effectivement assez surprenant parce l'UMP, malgré tout, reste très attachée à Nicolas Sarkozy. Néanmoins, l'ancien Président reste dans une zone de turbulences ; sa proposition de renommer le parti passe assez mal. Celle-ci sera validée, mais elle ne créé pas l'engouement parce que les sympathisants de droite ne comprennent pas ce changement de nom. Alain Juppé est en effet très haut dans les sondages. Or il a conscience de ne "rien faire actuellement". Ce qui le met dans une posture complexe ; il sait qu'en s'exprimant il baissera dans les sondages. Juppé incarne une image, quelqu'un qui attire et pourrait trouver les mots juste face à Marine le Pen. En réalité, il est protégé, dans une sorte de bulle, il faudrait qu'il en sorte rapidement car cela pourrait lui jouer des tours. Cette bulle pourrait le paralyser. Jean Garrigues: Il faut commencer par observer que Nicolas Sarkozy reste majoritaire en vue des primaires au sein des militants et sympathisant UMP. Par contre, dans le cas où l'on additionne les électorats de la droite et du centre, il devient alors minoritaire. Les électeurs du centre ont toujours en mémoire l'inflexion de l'ancien Président vers les thématiques du Front national lors des élections présidentielles de 2012. Ce malaise est très marqué, expliquant les bons scores obtenus par Juppé au sein de cet électorat. Dans le cadre du sondage Odoxa, par exemple, Alain Juppé remporterait les primaires ouvertes à droite avec 55% des voix. C'est donc un électorat qui se reconnait dans l'image de "modération", de "sagesse", de "prudence" que renvoie Alain Juppé. On a aujourd'hui vraiment l'impression que les autres candidats sont hors courses. Ce qui est très troublant en ce qui concerne François Fillon car il pouvait apparaître comme un des trois candidats majeurs. Pourtant, en changeant assez souvent de discours sur les sujets d'immigration et en durcissant ses propos quant aux thématiques identitaires, il a gâché ses chances d'incarner une alternative. Il a laissé le terrain à Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Bien évidemment, il y a les figures émergentes de Bruno Lemaire et de Nathalie Kosciusko-Morizet, mais elles restent bien derrières les deux candidats pressentis. Il est possible qu'une partie des électeurs de Bruno Lemaire considèrent la ligne d'Alain Juppé qui est, sur bien des égards, proche de la sienne. Mais on peut très bien envisager un revirement de situation, l'apparition de candidats nouveaux, porteurs de changement et qui séduiraient d'avantage l'électorat de droite. Tout comme la montée en puissance à la fois de Bruno Lemaire et de Nathalie Kosciusko-Morizet. Car la situation politique demeure fragile, et il y a un mécontentement général vis-à-vis des partis et des personnalités politiques traditionnelles. Il semble envisageable que d'ici à deux ans, des mouvements spontanés fassent émerger de nouvelles personnalités politiques.